« Des maux d’ados » par François Pradayrol (Pleine page Républicain Lorrain 12/10/2014)

jimmy-sabater-rencontrera-des-collegiens-et-des-lyceens-demain-apres-midi-a-la-librairie-hisler-even-a-metz-photo-gilles-wirtz.jpg

 

Jimmy Sabater rencontrera des collégiens et des lycéens, demain après-midi à la librairie Hisler-Even, à Metz. Photo Gilles WIRTZ

 

Réseaux sociaux, conflits familiaux, violence, l’écrivain nancéien Jimmy Sabater prend les adolescents au sérieux dans son dernier polar, Un suspect presque parfait. par François PRADAYROL

Son meilleur ami, Eliott, est retrouvé mort au pied d’une falaise, à proximité de la petite commune de Méridiart, toute proche de la mer. Rapidement, Quentin, 17 ans, est accusé de ce meurtre par une connaissance malveillante, qui va diffuser l’ignoble rumeur sur les réseaux sociaux. Les ennuis ne font alors que commencer pour cet adolescent sans histoires jusque-là… Telle est la genèse du dernier roman du Nancéien Jimmy Sabater, Un suspect presque parfait , premier chapitre de la trilogie Les Mystères du Forgrisant. Ignoré à l’origine par certains éditeurs, ce polar pour ados, voire grands ados, s’est vendu à environ 6 000 exemplaires sur Amazon (version numérique) en quelques semaines seulement, arrivant même numéro un des ventes toutes catégories confondues pendant un mois. Face à ce succès inattendu, la maison d’édition La Grande Ourse a finalement publié le livre en mars dernier.

Jimmy Sabater, 45 ans, écrit depuis toujours ou presque. Lorsqu’il a 12 ans, son père qui travaillait à la Sécurité sociale et qui déstockait de temps en temps des machines à écrire, lui en offre une pour l’équivalent de dix euros. Mais c’est surtout après une rupture amoureuse, vers ses 25 ans, qu’il se met à rédiger énormément de nouvelles. « L’écriture est une thérapie contre tout, elle peut être votre meilleure amie. Quand vous doutez, que vous êtes moins bien avec les gens qui vous entourent, la solution se trouve parfois au bout de votre plume » , confesse-t-il. Des auteurs comme Stefan Zweig – « qui use d’un style sensible, très analytique » –, Marguerite Duras, Stephen King, Brigitte Aubert ou encore Dominick Dunne l’inspirent. Son premier véritable roman, Plaisirs et Châtiments , un polar noir pour adultes, est publié aux Editions Baleine en 2001.nC’est un événement intime qui va le pousser à se tourner vers la littérature pour grands ados. « J’ai perdu un jeune dans ma famille. En observant son cas, je me suis alors rendu compte qu’il était beaucoup plus dur d’être adolescent en 2014 qu’à mon époque. Aujourd’hui, avec la technologie, qui est certes un outil formidable, il est très facile de basculer dans la catastrophe, dans le n’importe quoi, dans des réactions en chaîne impossibles à maîtriser » , explique-t-il. La place que prennent les réseaux sociaux et internet dans la vie de cette génération, le danger qu’ils peuvent représenter, sont d’ailleurs des thèmes largement développés au fil d’ Un suspect presque parfait , dans lequel le personnage principal est prisonnier d’un terrible engrenage. « Il est désormais possible de ruiner la vie de quelqu’un en trois clics. Nous vivons une époque où l’image prime sur tout, où le superficiel l’emporte, où les mots pèsent davantage que les actes. Sur Facebook, sur Twitter, les gens se lâchent et n’ont pas de limites, ces espaces deviennent de plus en plus agressifs et violents » , constate l’auteur, qui a commencé à écrire son dernier roman il y a quelques années, et qui se rend compte que la réalité dépasse à présent la fiction.nEn témoigne l’événement qui s’est produit au mois de septembre dans le parc de la Pépinière à Nancy : une bande de jeunes filles s’est filmée agressant et humiliant gratuitement une autre fille de 20 ans, handicapée, avant de diffuser la vidéo sur les réseaux sociaux. Sauf que les coupables sont à leur tour devenues victimes, puisqu’un gigantesque lynchage virtuel s’en est suivi, accompagné de milliers de messages de haine, de menaces de mort ou de représailles.nEn plus de ce phénomène de société et de l’intrigue, Jimmy Sabater traite dans son récit des relations familiales compliquées, au centre desquelles se retrouvent toujours les enfants, rarement épargnés ou protégés par les adultes. « Les rapports familiaux, c’est comme Facebook. Quand vous regardez de l’extérieur, tout est beau, tout est lisse. Mais dès que vous mettez un pied dedans, vous vous rendez compte que les choses sont beaucoup plus complexes, entourées de non-dits et de secrets. » Dans Un suspect presque parfait , tout y passe, du mari violent à la femme adultère, jusqu’au petit frère livré à lui-même au milieu de cet univers impitoyable.nLe suspense policier laisse de temps à autre la place au suspense fantastique, l’auteur brouillant les pistes entre fantasme, rêve et réalité, à travers un personnage principal victime de crises d’épilepsie et de pertes de mémoire. Une tendance qui s’accentuera dans le deuxième volet de cette trilogie, Le diable du Forgrisant , dont la sortie est programmée en mars 2015 : « On retrouve Quentin quelques mois plus tard, traînant toujours les mêmes casseroles. Mais cette fois, les disparitions inquiétantes et les morts suspectes vont se multiplier partout sur son passage. Les accusations vont alors s’amplifier jusqu’à devenir insupportables » , dévoile l’auteur en avant-première. Le troisième tome est déjà en cours d’écriture, en parallèle d’un roman de science-fiction et d’un autre, plus familial.nEn s’attaquant à la littérature pour ados, et en allant surtout à la rencontre de son public, Jimmy Sabater a décidé de combattre certaines idées reçues : « On dit que les gamins ne lisent plus mais ce n’est pas vrai. Dernier exemple en date, au Livre sur la Place à Nancy. J’ai rencontré des jeunes filles de 15 ou 16 ans, des garçons aussi, qui sont venus échanger avec moi sur mon roman et c’était un vrai plaisir. En toute décontraction, en rigolant. Je peux vous dire que je me suis plus amusé qu’un ou deux auteurs qui avaient l’air de bien s’ennuyer derrière leur stand ! » , s’exclame-t-il sur un ton taquin. « Les jeunes sont peut-être un peu plus ouverts aussi. Ils sont à la recherche du monde qui les attend, alors que les adultes sont à la recherche de ce qu’ils sont déjà. »nSur sa lancée, ce passionné de voyages, qui a déjà parcouru les États-Unis, l’Asie et l’Europe entière, rencontrera des lycéens et des collégiens demain après-midi, à la librairie Hisler-Even, à Metz. Pour parler polar, suspense, écriture et sujets de société… Pour, surtout, transmettre le goût de lire à la nouvelle génération.

Photo et article © Le Républicain Lorrain – Tous droits réservés

Views: 283

Laisser un commentaire