Poche: 175 pages
Editeur : Editions Textes gais (12 octobre 2006)
Langue : Français
ISBN-10: 2914679211
ISBN-13: 978-2914679213
Dimensions du produit: 21 x 1,1 x 15 cm
Résumé : La nuit, Farid, jeune homme effacé, devient la sémillante Yasmina. Un soir de fête, dans les rues de Paris, Yasmina se fait sauvagement agresser par trois militaires éméchés. Quelques jours plus tard, ces derniers sont assassinés dans le commissariat même où ils y ont été amenés. Un inspecteur la suspecte aussitôt et ouvre une enquête. Au cours de sa convalescence, Yasmina apprend à connaître le mystérieux couple de riches retraités qui l’a secourue et depuis la couvre de cadeaux. Alors qu’Alexandre, un troublant colocataire, va tenter de l’entraîner dans une angoissante affaire…
Pourquoi l’inspecteur la présume-t-il coupable ? Qui sont ces richissimes époux dont elle devient soudain la protégée ? Jusqu’où le ténébreux Alexandre est-il prêt à la manipuler ? Mystérieuses énigmes qui trouveront des réponses inattendues dans ce récit haletant, véritable course contre la montre, où un androgyne doit mener l’enquête et découvrir un secret qui bouleversera sa vie à jamais.
EXTRAIT
1 – Transformiste
Lorsque la nuit tombe, je suis cette créature faite de maquillage et de rêve qui défie les lois de l’apparence.
On ne peut me juger que dans une robe moulante, ou dans un tailleur parfaitement coupé, si l’on veut se faire une réelle idée de qui je suis.
J’ai les épaules fines, les jambes longues, les sourcils hauts, les lèvres charnues, les fesses rebondies et des cils interminables… Il n’y a que cette trop longue verge et ce manque de poitrine qui m’amputent de la vérité. Sinon, Yasmina, la vraie, c’est moi.
Oui, finalement, c’est dans la journée où je suis le plus déguisé, lorsque je redeviens Farid, vendeur, caissier et magasinier chez Magic Discount.
Farid n’a pas besoin de se cacher, d’attendre la nuit pour se montrer. On l’appelle lorsque l’un des voisins est malade et a besoin de médicaments, quand il faut promener un chien, faire quelques courses, porter des sacs trop lourds.
Mais je n’ai rien à voir avec ce malheureux garçon que l’on traite de “tante” à longueur de journée. Non. Ma vraie vie à moi, c’est celle de la nuit, lorsque le rouge recouvre mes lèvres et que je me prénomme Yasmina.
J’habite un cinq pièces que je partage avec Mérième. Une beurette qui, comme moi, galère pour s’intégrer à son propre monde. Elle a un caractère de chien, mais je l’aime bien, car elle me comprend et apporte de la couleur à mon existence.
On ne peut pas vivre seul dans un F5 à Paris, en travaillant chez Magic Discount. Seulement au cinéma.
Nous nous sommes disputés, hier soir, pour une broutille. Elle m’accuse d’avoir perdu ses disques d’Oum Kalsoum, alors que je déteste ces vieilles rengaines rétro. J’étais le coupable idéal pour ce méfait, sauf que moi, je n’écoute pas la musique du pays. Non, je préfère de loin Pete Burns, Placebo, Maria Callas, que je trouve bien plus exotiques. C’est sans doute l’un de ses amants indélicats qui a dérobé ses vieilleries, un soir où ils avaient abusé de leurs vilaines cigarettes coniques.
Elle m’a dit qu’elle allait déménager et que je finirais par être le seul locataire de cette oasis pour fous.
Mérième me lance ce genre de menaces au moins une fois par semaine.
C’est surtout quand elle n’a plus d’argent ou de shit qu’elle devient agressive.
Quand elle fume, Mérième est gentille. Elle me prête ses plus belles tenues, me maquille en princesse des Mille et Une Nuits, me parle du soleil brûlant et des parfums d’Algérie. Elle me raconte aussi ses histoires d’amour, ses expériences sexuelles délurées avec ces garçons qu’elle n’arrive pas à aimer, me donne de précieux conseils sur la vie française, m’invite à partager son lit, me demande de me blottir contre elle, de sentir comme ses seins sont doux…
Si les joints viennent à manquer, elle redevient la peste qu’elle ne cesse jamais d’être.
C’est bon d’avoir des amies que l’on peut parfois détester.
Muriel est partie il y a quinze jours et nous devons nous organiser tous les deux pour honorer le loyer, payer les factures, faire la vaisselle, la cuisine, les courses, etc. C’était plus pratique avant. Mais Muriel est tombée amoureuse vers Pigalle, et elle s’y est installée avec son chat et ses belles robes qui me manquent déjà.
Traîtresse.
C’est dommage, je l’aimais bien.
J’ai laissé une annonce à la boulangerie et chez Magic Discount, mais personne ne semble intéressé par notre appel désespéré :
« Deux jeunes Maghrébines intégrées recherchent troisième colocataire pour superbe 5 pièces à République. Extrémistes, folles et fauchés, s’abstenir. »
Pourquoi les choses ne sont-elles pas plus simples ?
Ce soir, je vais endosser ma peau de féline. Un haut léopard, une jupe noire bordée d’un liséré de fourrure et des talons ocre. J’enfilerai ma perruque blonde, celle qui me fait ressembler à Tina Turner.
Je ne sais pas si j’oserai, cette fois. Mais je rêve depuis des semaines de mettre un talon aiguille sur le bitume parisien, de fouler le sol extérieur, d’aller me balader toute seule, en pleine ville, devant tout le monde.
Comme une vraie.
***
Hier, j’ai traîné, habillée en femme, le long de la rue La Fayette, sous le regard des passants et sous les phares anonymes des voitures. Je me suis ainsi promenée, avec mon petit sac incrusté de bonbons et mon fume-cigarette, jusqu’à la maison, tortillant les fesses, faisant claquer bracelets et talons, défiant du regard les hommes et leurs compagnes, comme une pochette de disque ambulante. Let me be your fantasy, dit la chanson de Baby D.
C’était grisant de ne plus être qu’un reflet dans un miroir. D’exister comme n’importe quelle femme, dans la vérité implacable du monde.
Je ne demande rien de plus à la vie. Je ne recherche pas l’amour ou la réussite ; je ne demande même pas que l’on me flatte, que l’on me trouve belle, que l’on m’apprécie. Non. Je veux juste vivre dans la réalité, de temps en temps. Avoir la tête ailleurs, comme en vacances. Puisque je ne suis moi-même qu’un rêve.
Il y a une fille qui est venue visiter l’appartement, cet après-midi. Je n’étais pas là, mais Mérième m’a dit que son père était commissaire de police.
Bien sûr, on ne peut pas l’accepter chez nous. Elle finirait par nous poser des problèmes.
Mérième lui a laissé entendre qu’elle la contacterait.
La menteuse.
Cet après-midi, au magasin, un jeune Arabe est venu m’accoster. Il m’a littéralement dévoré des yeux, de la tête aux pieds. C’était très gênant pour moi. Je ne sais pas trop ce qu’il imaginait.
Il m’a demandé si je voulais prendre un verre avec lui, si je vivais seul, si j’avais un copain, si j’habitais loin d’ici.
— Pourquoi ? Qu’est-ce que tu imagines ? lui ai-je demandé.
Il a aussitôt regardé autour de lui, effrayé à l’idée que l’on puisse nous entendre.
— Je te trouve hyper sexy, a-t-il murmuré en prenant ce phrasé propre aux racailleux des cités.
Moi, je lui ai simplement répondu : « Je n’aime pas les PD. »
Il a aussitôt rougi, les yeux écarquillés, et je l’ai regardé partir sous les sourires complices de Christophe et Delphine, qui étaient en caisse.
Les gens s’imaginent que l’on est homosexuel dès que notre apparence diffère des critères masculins. C’est idiot.
Moi, je m’habille peut-être en femme, mais c’est parce que je les adore, comme des êtres supérieurs dotés de toutes les qualités, comme des déesses.
Je ne me vois pas coucher avec un garçon… En tout cas, pas quand je suis Farid ! Ça ne voudrait rien dire. Yasmina, elle, aimerait sans doute qu’on lui fasse la cour. Mais ça ne serait qu’un jeu. Il faudrait que le garçon soit réellement très joli, qu’il lui offre des fleurs, qu’il la promène dans une belle voiture, qu’il l’invite dans de grands restaurants, qu’il lui ouvre les portes et l’aide à enfiler ses manteaux.
Mais Yasmina ne voudrait jamais faire l’amour. Ça, non, jamais. Yasmina ne peut pas.
Elle ne peut pas parce que… Moi, je ne le veux pas !
***
Je suis tombé sur un soldeur qui se débarrassait de tout un stock de tailleurs et de robes de soirée. Il vendait chaque pièce à moins de dix euros, et si je m’étais écouté, j’aurais sans doute acheté toute sa malle. Mais j’ai été raisonnable. Je suis juste reparti avec une robe fuseau blanche en strass et un ensemble de geisha magnifique.
En rentrant à l’appartement, je me suis aussitôt enfermé dans ma chambre pour me complaire devant ces nouvelles tenues. Je me suis mis totalement nu, avant de coincer ma verge entre mes fesses, et j’ai lentement enfilé ma robe de strass, pour encore mieux apprécier la métamorphose.
J’ai vu les yeux de Yasmina qui devenaient brillants comme jamais. On aurait dit une petite fille qui venait de réaliser un rêve. Elle était si belle !
J’ai enfilé ma perruque brune au carré et j’ai senti mon cœur battre, tellement j’étais heureuse, tellement j’étais fière de l’image que j’incarnais soudain.
Après avoir fait glisser mon bâton de rouge sur mes lèvres et ajouté un peu de noir sur mes yeux, je suis allée voir Mérième qui embrassait un garçon, allongé nonchalamment, quasiment nu sur le canapé du salon.
— Waow ! Canon la gonzesse ! a-t-il dit en me voyant, un franc sourire aux lèvres.
Mérième a levé les yeux et j’ai vu qu’elle était impressionnée, qu’elle comprenait ce que je ressentais, qu’elle me trouvait superbe…
J’aurais pu me contenter amplement de ces simples encouragements, mais non, il a fallu que j’aille jusqu’à la Bastille pour voir du monde, avec l’intention idiote de boire un verre derrière l’une de ces terrasses chauffées.
Dans la rue, les badauds me regardaient avec des sourires amusés, conquis ou choqués par mon nouvel habit de lumière.
J’étais la Dalida du boulevard, une Marilyn Monroe de pacotille, une étoile filant après de la poudre de rêve.
Malheureusement, devant les distributeurs de l’angle de l’avenue Beaumarchais, trois militaires copieusement alcoolisés m’ont fait barrage.
— Eh ! Dis donc ! T’es pas rue Saint-Denis, ici ! a commencé le premier.
— Laisse-la, elle va nous faire un petit cadeau, n’est-ce pas, ma chérie ? a poursuivi le second en m’attrapant brutalement par le cou. Hum ! Tu as une belle bouche. Hum ! Tu sais t’en servir ?
— Fichez-moi la paix. Yasmina est bien trop chère pour vous… Vous ne lui arrivez pas au petit orteil !
— Combien ? a fait le troisième, en montrant l’argent qu’il venait de retirer. Tu rends la monnaie ? Je n’ai que des billets de dix !
Ils se sont mis à rire bêtement et j’ai été agacée que l’on puisse salir ainsi la pauvre Yasmina.
— Tu peux te les mettre où je pense, et ta carte avec ! lui ai-je lancé. C’est tout ce que tu pourras t’offrir, ce soir. Alors autant te faire une raison. Pauvre type !
— Hé ! Doucement, la grognasse ! On ne t’a pas appris les bonnes manières, dans ton pays ?
Il s’est approché de moi et m’a collé une gifle, tandis que l’autre serrait mon cou de plus en plus fort.
— Ça ne va pas ? Lâchez-moi. Bande de crétins… Fichez-moi la paix !
Malheureusement, en me débattant, j’ai senti ma perruque qui bougeait, qui tournait…
Lorsque je l’ai vue tomber par terre, j’ai fermé les yeux en me disant que seul Dieu pourrait encore me tirer de là.
— Putain ! Les mecs ! C’est qu’un travelo ! Un sale PD !
— J’y crois pas ! a fait celui qui tenait encore ses billets en éventail. Il a essayé de nous avoir. L’enculé de sa race !
— Ouais ! On va lui niquer sa race, à cet enculé !
J’ai reçu un premier coup de poing dans le ventre, suivi d’un deuxième.
— Arrêtez ! Lâchez-moi ! Je ne vous ai rien fait ! Au secours ! À l’aide !
Après, je ne sais plus très bien ce qui s’est passé.
Si, je suis tombée à genoux et j’ai senti les coups de pied arriver de partout. Dans le ventre, les testicules, la mâchoire, le front, le ventre, encore et encore…
Sur l’instant, j’ai eu tellement mal, j’étais tellement désespérée, que j’ai pensé à ces femmes que l’on lapide simplement parce qu’elles ont osé regarder un homme dans les yeux. Simplement parce qu’elles ne sont pas des hommes.
Exactement comme moi.
C’est un couple de vieux qui m’a réveillée. J’avais perdu connaissance tandis que mes bras et mes chaussures étaient couverts d’inquiétantes taches rouges.
J’avais l’esprit aussi embrouillé que si on l’avait fait tourner dans une machine à laver toute une nuit.
— Venez, Madame, a dit le mari. Nous allons vous transporter à l’hôpital. Vous êtes blessée.
Ils m’ont aidée à monter dans une grosse voiture noire et je me suis endormie sur l’épaule de la vieille femme, en réalisant qu’un filet de sang descendait de ma bouche et coulait sur son manteau de fourrure.
Je ne me suis réveillée que ce matin, dans une chambre aux draps et aux murs immaculés.
Dans ce décor si froid, si neutre, qui fait peur, je ne suis plus la superbe Yasmina, ni même le gentil Farid que les vieilles dames de Magic Discount apprécient tant. Je ne suis même plus l’un de ces « sales travelos » qui mettent en péril la virilité des militaires machos. Non. Le rideau est tombé, direction les coulisses pour un ravalement complet.
***
Mérième m’a apporté des cigarettes et la pince à épiler que je lui ai demandée. Je ne sais pas comment je pourrais survivre sans elle. Je veux bien endosser mon rôle de Farid jour et nuit, mais de grâce, que l’on ne m’oblige pas à supporter des sourcils de veuve portugaise. Non, pas après tout ça.
Mérième a reçu l’appel d’un éventuel nouveau colocataire.
— Il a une belle voix, a-t-elle commenté, comme si cela pouvait m’intéresser. Il a dit qu’il cherchait juste un pied-à-terre à Paris et qu’il ne comptait pas y vivre à plein temps. Il est représentant dans une boîte d’informatique…
— Et pour le loyer, il est d’accord ? Tu lui as demandé combien ?
— 750 euros ! Super, non ?
— Pas très équitable. Ça représente les deux tiers. C’est un peu l’arnaque ! S’il s’en rend compte, il va nous faire la peau, comme ces connards d’hier soir.
— Non, je ne crois pas. Ça n’est pas le style…
— Qu’est-ce que tu en sais, tu ne l’as jamais vu ? D’ailleurs, il n’a pas encore visité l’appartement, si ?
C’est à ce moment qu’est entré le couple de vieux d’hier, avec un bouquet de fleurs comme je n’en avais jamais eu.
— Excusez-nous de vous déranger, a dit la petite dame, en hésitant à approcher. Nous voulions juste prendre de vos nouvelles…
— Nous avons eu du mal à vous retrouver, a repris son mari en souriant, un peu essoufflé. C’est si grand ici. Et puis, ils ne vous avaient pas enregistrée sous le prénom de Yasmina, alors forcément…
Il a observé le décor froid de ma chambre, avant de poser le superbe bouquet sur ma table de nuit.
— Vous n’êtes pas allergique aux lys, au moins ? a demandé la petite dame en arrangeant ses fleurs. Parce que ça arrive assez souvent, finalement.
Mérième et moi étions éberluées par cette si curieuse irruption.
— Nous ne nous sommes pas présentés, hier, dans la panique. Je me nomme Arnold Flammand et voici ma femme, Helena.
J’ai alors observé ce curieux couple s’installer aux abords du lit, comme si ma santé avait toujours été leur principal souci.
— Comment vous sentez-vous ? a demandé la petite vieille, en prenant ma main dans la sienne.
— Je crois que je me suis déjà sentie mieux, ai-je dit, en tentant un douloureux sourire.
— Nous avons un peu parlé avec le médecin qui s’est occupé de vous. Il nous a expliqué que vous aviez un traumatisme crânien et de multiples contusions, a enchaîné son mari. Vous avez échappé aux fractures, mais il faut surveiller le poignet gauche et le genou. Votre tension est faible, mais c’est normal, après un tel choc.
— Je suis un peu rassurée, a fait Helena, après un petit soupir de soulagement. J’ai eu tellement peur qu’ils ne vous tuent, ces horribles monstres…
— Nous avons tout vu, hier soir, a repris Arnold Flammand, en venant derrière sa femme. Nous pourrons témoigner… Il faut que ces malotrus paient pour leur abominable cruauté !
Depuis leur arrivée, une question me brûlait les lèvres.
— Je… Je vous remercie énormément de votre gentillesse, Monsieur et Madame Flammand, mais… Mais pourquoi autant de sollicitude ?
Helena a baissé les yeux et s’est tournée vers son mari quand il a pris la parole.
— Nous étions à trois mètres de vous et… Et nous n’avons rien fait… Nous aurions dû intervenir, vous venir en aide… Crier, appeler au secours… Nous nous sommes conduits égoïstement…
— C’était tellement ignoble de s’en prendre à vous… Nous sommes lâchement restés en retrait, muets, paralysés par la peur, impuissants, a poursuivi sa femme. Nous… Nous ne nous serions jamais pardonnés si ces crapules vous avaient tuée, sous nos yeux… Non. C’était…
Helena Flammand a levé les yeux vers moi et c’est à ce moment que j’ai réalisé qu’elle pleurait.
Mérième m’a lancé un regard éberlué.
— C’est terminé, a-t-elle dit à la vieille dame, caressant sa main dans la sienne, pour la calmer. Il faut penser à autre chose, maintenant. Il faut essayer d’oublier cette histoire.
Monsieur Flammand s’est alors interposé et a haussé le ton.
— Oublier ? s’est-il indigné. Comment voulez-vous que l’on oublie une chose pareille ?
Il a saisi sa femme par les épaules, avant de la serrer contre lui.
***
Aujourd’hui, j’ai eu la visite de deux policiers qui m’ont posé des centaines de questions sur les trois militaires d’avant-hier. S’ils m’avaient menacée, dérobé de l’argent, s’ils avaient tenté de me violer, si je pouvais les reconnaître d’après des photos…
J’imaginais que c’était pour eux une simple routine, une corvée qu’ils exécutaient sans y porter le moindre intérêt et qu’ils finiraient par me dire : « Nous sommes désolés, monsieur le travesti, mais vous l’avez bien cherché. Si vous vous habillez avec des vêtements de femme et que vous vous comportez en gonzesse, on a bien le droit de vous flanquer une rouste. Il y a des limites à tout ! »
Mais non, au lieu de quoi, ils ont noté toutes mes réponses avant de terminer :
— Les suspects sont en garde à vue ; ils ont déjà été identifiés… L’enquête va poursuivre son cours ; vous devriez obtenir de sérieux dédommagements lors du procès.
J’ai alors réalisé que je n’avais jamais porté plainte et donc que la présence de ces policiers était plutôt curieuse.
— Excusez-moi, mais qui vous a appelés au sujet de cette affaire ? L’hôpital ?
Ils se sont regardés dans les yeux et ont échangé une petite expression qui signifiait : « Il est encore dans le gaz, c’est normal. »
— Ce sont Monsieur et Madame Flammand, vos parents adoptifs, bien entendu, a fait l’un d’entre eux en souriant. Nous reprendrons contact avec vous lorsque vous serez sorti d’ici… En attendant, portez-vous bien, Monsieur Ibrahim.
Je suis alors retombé sur mon oreiller, n’osant croire ce que je venais d’entendre.
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